Santé Mentale des Chefs d'Entreprise : Naviguer à travers l'anxiété et l'épuisement professionnel

Même si on parle de plus en plus de l’importance de discuter de santé mentale au travail, celle de nos chefs d’entreprises reste peu abordée et observée. C’est étonnant quand on connaît la position centrale qu’occupent nos TPE et PME dans le paysage économique français. Pourtant, selon une étude des Échos réalisée en collaboration avec l’observatoire Amarok, qui scrute depuis 10 ans la santé de nos chefs d’entreprises, nos patrons vont mal. Pas ceux du CAC 40, mais ceux des PME et des TPE. Un sur cinq serait au bord de l’épuisement professionnel, voire en situation de burn-out.

Une réalité plus qu’alarmante si l’on se réfère aux chiffres de l’étude réalisée en 2020 par l’Ifop sur le suicide : 27 % des dirigeants d’entreprise ont eu, à un moment de la crise sanitaire, des pensées suicidaires.

Ce manque d’intérêt peut s’expliquer par l’image complètement fantasmée du dirigeant d’entreprise dans notre société. Si beaucoup aspirent à des rôles de leaders, rares sont ceux qui comprennent et appréhendent réellement le fardeau émotionnel que cela peut engendrer. Peu perçoivent un aspect souvent invisible du monde de l’entreprise : l’immense stress et l’anxiété auxquels sont confrontés nos dirigeants. Derrière les sourires de façade et les résultats positifs de l’entreprise se cachent des individus qui portent le poids des responsabilités, prennent des décisions difficiles et naviguent dans un paysage en constante évolution. À cela s’ajoute l’isolement, la solitude, la pression d’être responsable du bien-être et de la réussite de leur équipe, et une identification forte aux succès ou échecs de leur entreprise.

Notre culture de l’entrepreneuriat, souvent célébrée pour sa résilience et sa détermination, encourage un mode de vie où le travail devient la priorité absolue au détriment du bien-être personnel. Nombreux sont ceux qui sous-estiment les signes de surmenage et qui continuent à pousser leurs limites, pensant que c’est le prix à payer pour le succès. Pourtant, les conséquences de l’épuisement professionnel ne doivent pas être minimisées. Les entrepreneurs épuisés peuvent éprouver une diminution de la productivité, une baisse de la créativité, des difficultés de concentration et même des problèmes de santé physique. En fin de compte, un entrepreneur épuisé est moins capable de diriger efficacement son entreprise et risque de compromettre sa croissance et sa pérennité.

Ces conséquences s’expliquent par les effets du burn-out sur le cerveau. Amy Arnsten de l’université de Yale fait partie des spécialistes qui se sont penchés sur le sujet, son objectif étant de briser le cercle vicieux de la culpabilité éprouvé par les personnes touchées par l’épuisement professionnel. Selon la spécialiste, le burn-out occasionne une diminution de la matière grise du cortex préfrontal. Habituellement, elle permet de prendre des décisions complexes de manière appropriée, c’est-à-dire en raisonnant de façon synthétique et réfléchie. Or, le burn-out endommage cette matière grise et altère ainsi la mémoire et l’attention. Malheureusement, cela rend aussi plus difficile l’apprentissage. Elle souligne que le burn-out pourrait également augmenter la taille de l’amygdale. Cette partie du cerveau liée aux émotions joue aussi un rôle dans la réponse combat-fuite, le premier stade du syndrome général d’adaptation régulant les réponses au stress. La chercheuse parle alors de double peine. Cela renforce en effet les circuits responsables des réponses émotionnelles telles que la peur et favorise donc la paranoïa.

Connaître les effets concrets du burn-out sur le fonctionnement du cerveau permet de mieux comprendre pourquoi les personnes qui en souffrent ont le sentiment de vivre un réel effondrement physique, mental et émotionnel avec cette impression de ne plus pouvoir avancer et de ne pas avoir de solution pour s’en sortir. En outre, une meilleure compréhension de ces mécanismes peut aider à développer des stratégies de prévention et de traitement plus efficaces. Mais dans une société où les problèmes de santé mentale sont associés à de la faiblesse, la stigmatisation qui en découle est souvent un fardeau aussi lourd à porter que la maladie elle-même.

Et la plupart du temps, le dirigeant se tait. Persuadé qu’il doit donner en permanence l’image de la force inébranlable. Pourtant, le vrai acte de courage ne serait-il pas d’admettre sa propre vulnérabilité ? Des mesures simples et cependant efficaces peuvent être mises en place pour prévenir ou atténuer l’épuisement professionnel. Savoir reconnaître et faire respecter ses propres limites, retrouver un équilibre sain entre travail et vie personnelle, savoir aussi demander de l’aide si cela s’avère nécessaire.

Rappelons que l’une des responsabilités du dirigeant est de s’assurer de sa bonne santé émotionnelle. En effet, il est impossible de gérer les incertitudes liées aux fluctuations économiques, aux diverses crises qui se succèdent, au stress que cela génère dans ses équipes, s’il n’a pas les ressources nécessaires pour le faire. En tant que leaders, ils leur incombe d’insuffler le changement. Investir dans leur santé mentale et en parler permet de briser les préjugés et de créer un espace où les salariés pourront librement investir dans la leur. En mettant en place des politiques de gestion du stress, en offrant des programmes de soutien aux employés, en encourageant un dialogue ouvert, les chefs d’entreprise peuvent contribuer à créer un environnement de travail plus sain donc plus productif.

Le burn-out peut aussi être un beau cadeau de la vie, le signal que quelque chose ne nous convient plus, une nécessité profonde, impérieuse, vitale, d’apporter sens et changement dans une existence qui n’en a plus. La bonne nouvelle, c’est qu’en prenant les bonnes mesures, on s’en sort. Cela peut parfois prendre des semaines, voire des mois, mais la guérison est possible. Il est essentiel de prendre soin de vous et de faire de votre processus de guérison une priorité. Votre santé et la santé de nos entreprises en valent la peine.

 

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